CORONAVIRUS :
Le Groupe Carrefour utilise la panique pour créer une zone de non droit
Le Coronavirus frappe la France avec vigueur, mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. Si le Gouvernement entend venir au secours des directions des entreprises, les salariés qui assurent nos besoins primaires et nous font vivre ne font pas l’objet d’une telle attention. La porte-parole du gouvernement a ainsi déclaré que « la situation sanitaire aujourd'hui ne justifie pas l'exercice du droit de retrait".
Par ces mots, le gouvernement soutient une vision très précise de la gestion de la pandémie dans les entreprises. Il s’agit de laisser les directions organiser le travail selon leurs intérêts dans les jours et semaines à venir. Or, cet intérêt peut rentrer en contradiction directe avec la santé des salariés. En appelant les travailleurs à ne pas faire valoir leur droit retrait, le gouvernement laisse grand ouvert la porte à tous les abus, comme c’est le cas au sein du Groupe Carrefour.
Comme nous avons tous pu le constater ces derniers jours, l’arrivée et la propagation du Coronavirus a entraîné une hausse de la fréquentation des magasins alimentaires. Selon l’indicateur de référence Nielsen, les PGC ont progressé de +5,6% la semaine du 2 au 8 mars et les ventes de produits d’épiceries ont explosé. Les ventes de riz, pâtes et conserves ont progressé de 21% sur la semaine (après +13% la semaine précédente). Cette situation risque de s’amplifier avec les annonces gouvernementales.
C’est dans ce contexte que de nombreux élus de CSE ont déposé des procédures pour danger grave et imminent. Il s’agissait de faire respecter l’obligation de prévention et de résultat, même dans ce contexte inédit, et de s’assurer que les salariés ne soient pas contraints de se mettre en danger. Rappelons que les salariés de la grande distribution se retrouvent ainsi confrontés aux risques suivants :
• Risques d’exposition au Coronavirus (contact avec clients, notamment en caisse) ;
• Risques de violences physiques et psychologiques de la part de clients dans une période de panique quant aux mesures à venir sur le Coronavirus (cloisonnement) ;
• Risques de violences physiques et psychologiques de la part de client dans une période de panique liées à un risque de pénurie ;
• Risques de désorganisation, de dégradation des conditions de travail et de tensions entre les salariés liés à une baisse des effectifs (garde d’enfants, absentéisme) ;
Pour autant, les dirigeants de Carrefour ne semblent pas l’entendre de cette oreille et « refuse » la mise en place d’une procédure de DGI au nom de la mise en place d’un « Plan de Continuité de l’Activité » (PCA).
La lecture de ce document fait ressortir les véritables motivations du Groupe : la volonté d’utiliser la situation générée par le coronavirus pour accélérer la transformation de son modèle économique.
Selon la direction le PCA a pour ambition « de maintenir le plus haut niveau d’activité possible » et de « limiter les impacts potentiels sur la clientèle et les personnels ».
➢ Il s’annonce ainsi comme un plan visant d’abord à garantir la croissance du chiffre d’affaires dans un période de crise.
➢ De plus, en parlant « d’impacts potentiels » la direction exprime clairement pour sa volonté de minorer la gravité des dangers qu’encourent les salariés.
Dans la même logique, les horaires d’ouvertures, voire l’ouverture ou non d’un magasin, sera lié niveau de rentabilité dégagée par celui-ci : « en deçà d’un seuil de rentabilité, lié au manque de produit ou à l’incapacité à vendre, il pourra être envisagé de procéder à la fermeture temporaire du magasin par la cellule de crise nationale. »
➢ Quitte donc à concentrer la population dans un nombre plus restreint de magasins, faisant fi des recommandations sanitaires contre les regroupements de personnes.
La direction se réserve le droit de modifier les horaires d’ouvertures et de fermeture des magasins, les horaires de remplissage et les astreintes pour les agents de sécurité.
➢ Alors que dans ce contexte les CSE doivent être informé et consulté, la direction s’arroge le droit d’organiser des CSE élargis (à qui ? pourquoi ?) sans consultation. Il y a la une volonté manifeste de restreindre les prérogatives de l’instance.
Pour faire face à un absentéisme élevé (hypothèse 20%) la direction entend également faire un recours massif à la polyvalence « bouche trou ». Selon la direction « cette polyvalence peut s’exercer au sein d’une même
équipe mais peut également être effective entre services ou directions ».
➢ Il s’agit là de l’application la brutale et à la plus inquiétante du projet EOS et il semble évident que les directions, après la pandémie, tenteront de généraliser ce recours pour en faire la nouvelle norme de travail. Là encore, les directions ne prévoient en aucun cas de consulter le CSE.
La direction entend également faire porter sur le personnel des tâches supplémentaires pour éviter la propagation du coronavirus : aération régulière de toutes les pièces munies d’une ouverture sur l’extérieure, protocoles de nettoyage seront renforcés afin d’assurer l’hygiène des locaux (enlèvement des sacs poubelles, nettoyage des sols et des plans de travail, des poignées de portes, interrupteurs et aux surfaces de mobilier (tablette, accoudoir, système d’appel, télécommandes…).
Alors que le lavage des mains (et l’ensemble des « gestes barrières ») joue un rôle clé dans le non-propagation du virus les salariés auront-ils le temps pour ces gestes toutes les heures comme le recommande le Gouvernement avec le matériel adéquat (savon, papier à usage unique, etc…) et même en cas de port de gants? Rappelons également que le coronavirus reste contaminant 24h sur de nombreuses surfaces (24h carton, 5jrs verres, 4jrs bois, 3jrs plastiques, 3 jrs aciers et 3h dans l’air). Le plan n’évoque par ailleurs aucune mise à disposition d’EPI.
➢ Le PCA ne propose ainsi aucune solution pour faire face à ces problèmes qui représentent un véritable risque de contamination pour les salariés.
Pour la direction si la « pandémie a un impact direct sur les conditions de travail », elle n’entend en aucun cas permettre aux salariés d’effectuer leur droit de retrait. Ainsi, outre les facteurs de dégradation des conditions de travail évoqué plus haut, la direction entend détourner l’usage du DUER. En limitant le risque du coronavirus à un « risque biologique», elle vise via la mise à jour du DUER à faire reposer la responsabilité sur les salariés le risque d’une contamination (pouvant entrainer la mort ou celle d’un proche). En effet une fois le DUER réalisé, la direction aura beau jeu de s’extraire de toute responsabilité et la faisant porter sur les salariés qui n’auraient pas respecté les règles.
➢ Mais comment respecter ces règles dans un contexte d’usage accru de la polyvalence et productivité accentuée ? Là encore, la direction entend détourner le CSE en lui demandant de participer à la réalisation du DUER et non à son contrôle (on peut d’ailleurs se poser cette question du temps que prendra cette mise à jour et du délai de sa réalisation).
Alors que crise du coronavirus fait ressortir l’importance pour la Nation du travail des salariés du commerce et de la grande distribution, le Groupe entend profiter de cette situation au détriment du plus grand nombre.
La constitution française fait des élus du personnel les garants d’un mandat ordre public. Ils sont les gardes fous de la toute-puissance patronale. Le comportement actuel du groupe Carrefour démontre une fois de plus l’importance de ce mandat. Au vu du contexte, l’intention des élus du personnel est entièrement fondée
A mettre en place des DGI, des réunions exceptionnelles des enquêtes et des inspections le plus rapidement possible de manière à forcer les directions à mettre au centre de leur analyse la santé des salariés et la reconnaissance financière de leurs métiers et de leurs savoir-faire.
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